Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

"Parler de racisme d'Etat est un moyen d'affirmer que l'Etat a une responsabilité" (Entretien avec Pierre Tevanian)

4 Décembre 2017 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Racisme, #Société française

Pierre Tévanian est militant, essayiste et professeur de philosophie. Pour lui, "il n'y a pas de blasphème à accoler l'Etat au mot racisme."

Par

"Blanchité", "non-mixité", "racisme d'Etat"... Jean-Michel Blanquer a bloqué sur plusieurs mots en découvrant fin novembre la plaquette d'un stage syndical de Sud Education 93 sur le racisme et l'antiracisme. Au point d'annoncer le 21 novembre, devant l'Assemblée nationale, sous les applaudissements des députés, le dépôt d'une plainte en diffamation. Pour le ministre de l'Education nationale, ce sont "les mots les plus épouvantables du vocabulaire politique [qui] sont utilisés au nom de l'antiracisme".

Pour une partie des antiracistes, comme la Licra, la Ligue des droits de l'Homme, et certains chercheurs comme Michel Wieviorka, parler de "racisme d'Etat" revient en effet à mettre sur le même plan la République française de 2017 et le régime de Vichy.

Pour d'autres militants, représentants de l'antiracisme dit politique, et pour certains chercheurs, parmi lesquels le sociologue Fabrice Dhume, c'est en revanche une façon de reconnaître une implication de l'Etat, même non-intentionnelle, dans la perpétuation d'un racisme systémique. 

Pierre Tévanian, auteur notamment de "la Mécanique raciste" (La Découverte, 2017), militant antiraciste et professeur de philosophie en Seine-Saint-Denis, emploie cette expression et le revendique. Co-animateur du site Les mots sont importants, il doit participer à une table ronde lors du stage syndical. Pour lui, "il n'y a pas de blasphème à accoler l'Etat au mot racisme". "L'Obs" l'a interrogé.

"L'Obs" – Lorsque Jean-Michel Blanquer annonce le 21 novembre son intention de porter plainte, il est applaudi de bout en bout de l’hémicycle. Qu’avez-vous pensé de cette scène ?

Pierre Tévanian – La scène en elle-même est consternante. Un consensus apparaît, qui va de la gauche à la droite et à l’extrême droite. Marine Le Pen se lève pour applaudir. On pourrait croire qu’un tel consensus national survient après un attentat meurtrier, un crime raciste, une menace contre la République. Il s’agit en fait d’un stage syndical antiraciste. Ce consensus est donc inquiétant dans sa largeur comme dans son objet : il cible des antiracistes.

Ce qui est d’autant plus odieux, c’est qu’au quotidien, profs comme élèves galèrent. Pour des tas de raisons. Parmi tous ces problèmes, il y a le racisme. Sud Education 93 essaie de faire quelque chose et ce ministre vient non pas pour les aider – même de manière basique, en donnant les moyens matériels d’enseigner dans de bonnes conditions – mais pour les attaquer.

L’objet de l’indignation de Jean-Michel Blanquer, c’est notamment l’utilisation dans la plaquette du stage de l’expression "racisme d’Etat", qui ne fait d’ailleurs pas consensus parmi les chercheurs. Vous l’utilisez dans votre livre, "la Mécanique raciste", dans lequel vous décrivez le racisme comme une construction sociale, qui implique justement les institutions et l’Etat…

Lire la suite

Partager cet article

Commenter cet article