Défendre nos libertés avec le CCIF
Chers membres du CCIF,
Dans la Newsletter d’aujourd’hui je voudrais vous sensibiliser à un fait qui vous concerne tous en vous mettant à contribution dans une action à mener : l’introduction de l’Etat d’urgence dans le droit commun.
En effet, un nouveau projet de loi intitulé « sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme », sera voté aujourd’hui à 16h15, visant à pérenniser les mesures d’assignation à résidence, les perquisitions administratives et autres atteintes à nos libertés et droits fondamentaux. Mais pas que… car nous avons tendance à parler uniquement de ce qui est arrivé « aux autres ». Or l’état d’urgence c’est aussi des mesures de surveillance individuelle comme l’obligation de fournir tous vos identifiants électroniques sur tout moyen de communication électronique dont vous disposez (ordinateurs, smartphone etc.). Un seul de vos identifiants oublié pourra être sanctionné jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Par conséquent, votre vie et vos correspondances privées deviendront accessibles, vos libertés individuelles bafouées.
C’est une dérive sans précédent dans un pays démocratique comme la France.
Pour rappel, l’état d’urgence c’est jusqu’à présent 4 279 perquisitions, 712 mesures d’assignation à résidence, 3186 contrôles d’identité et de véhicule, 588 interdictions de séjour, 23 interdictions de manifestation, 18 fermetures de salle de spectacle… Des milliers de portes défoncées, des enfants réveillés en pleine nuit, des vies bouleversées par des décisions arbitraires et discriminatoires.
En 2016, le CCIF avait traité 427 dossiers liés à l’état d’urgence.
Une conférence de presse s’est tenue lundi 25 septembre à la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme à l’initiative d’une coalition d’organisations des droits humains (Amnesty International, Human Rights Watch, LDH…) parmi lesquelles le CCIF (représenté par Lila CHAREF co-directrice), d’universitaires, d’avocats et de magistrats. Ce fut l’occasion de rappeler les nombreuses atteintes aux libertés qu’entraînera ce texte de loi. Mais cela aura également pour conséquence non seulement encore la stigmatisation de nos compatriotes de confession musulmane mais aussi d’élargir le champ des personnes à qui ces mesures seront injustement appliquées au-delà même des communautés musulmanes. (cf. vidéo ci-dessus).
Vous pouvez agir avec nous contre ce projet de loi menaçant vos droits les plus fondamentaux.
Pour cela, agissez en envoyant le courrier ci-dessous en l’adressant au sénateur et/ou député de votre circonscription. Vous trouverez la liste sur ces liens :
http://www.senat.fr/senateurs/senatl.html
http://www2.assemblee-nationale.fr/recherche-localisee/carte/FRANCE
" Madame / Monsieur la/le député-e / sénateur-e,
Cela fait près de vingt mois que la France vit sous l’état d’urgence. Près de vingt mois que nous avons mis de côté une partie de nos idéaux démocratiques. Près de vingt mois que nous cédons à la peur que voudrait nous inspirer le terrorisme. L’urgence est désormais de sortir de cet état de fait et non de l’inscrire dans le droit commun.
Selon le rapport sur le contrôle parlementaire de l’état d’urgence publié en décembre, l’effet de ce dispositif sur les mouvances terroristes n’a duré qu’un temps, « de l’ordre de quelques heures à plusieurs jours ».
Selon le rapport de la mission internationale d’enquête sur l’état d’urgence en France, mandatée par la FIDH, les policiers et les magistrats français, déjà surchargés par la masse de travail qui leur incombe, affirment ne pas avoir besoin de nouveaux pouvoirs mais plutôt des moyens d’appliquer des mesures déjà à leur disposition. D’ailleurs, sur les 18 derniers mois, l’essentiel des attentats déjoués l’ont été dans le cadre du droit commun, sans avoir besoin de faire appel à des mesures d’exception.
Par ailleurs, les mesures de l’état d’urgence ont été à plusieurs reprises utilisées de manière abusive. Depuis son instauration en novembre 2015, l’état d’urgence s’est traduit par 4279 perquisitions, 712 mesures d’assignations à résidence et 3186 contrôles d’identité et de véhicule. Pourtant, entre novembre 2015 et novembre 2016, le parquet antiterroriste a ouvert seulement 20 instructions imputables aux mesures de l’état d’urgence. Au final, ces chiffres montrent que plus de 99% des personnes ciblées par l’état d’urgence n’avaient aucun lien avec une entreprise terroriste.
Ces personnes ont pourtant subi un véritable traumatisme. L’état d’urgence, ce sont aussi des armes braquées sur des personnes, parfois en présence de leurs enfants réveillés au milieu de la nuit, des portes ouvertes enfoncées, devant les clients, en plein service, chez un restaurateur ; une fausse couche ; ou encore l’hospitalisation d’une personne au cœur fragile à l’issue d’une perquisition.
L’état d’urgence c’est aussi Victor Hugo, portant la barbe, pris pour un terroriste par des agents de l’Etat parce qu’il était affiché sur le mur de la chambre d’une jeune fille musulmane mordue de littérature. L’impact sur la vie privée des personnes ciblées par l’état d’urgence, sur leurs relations de voisinage, sur leur santé physique ou mentale ainsi que sur leur carrière ou leurs études est indéniable et ne vient pas renforcer une cohésion sociale déjà mise à mal en France.
L’un des buts de Daesh est la destruction de ce qu’ils appellent « la zone grise », l’espace dans lequel des musulmans peuvent vivre en paix avec des non musulmans en France. Les situations d’injustice auxquelles a donné lieu l’état d’urgence, nécessitant à de trop nombreuses reprises une action en justice pour réparer les torts causés, a eu un impact disproportionné, notamment pour des milliers de familles musulmanes, contribuent à la détérioration de cette zone grise pour des résultats plus que discutables. A ce sujet, Marc Trévidic, ancien juge antiterroriste, disait : « tout homme sensé comprend qu’on attise le feu avec de telles méthodes ».
Potentiellement contreproductif pour notre sécurité, parce qu’il épuise les agents de l’état et parce qu’il attise la haine, l’état d’urgence a aussi un effet pervers sur nos idéaux les plus chers. Comment défendre notre idée de la justice quand une personne peut voir sa liberté d’aller et de venir limitée par des services de renseignement qui s’appuient sur une simple suspicion de comportement et non sur des comportements vérifiés ? Comment ne pas voir le problème d’une charge de la preuve inversée ? Comment dire que l’état d’urgence permet de défendre notre modèle démocratique quand il a été détourné pour museler des mouvements de protestation.
Pour préserver ces idéaux démocratiques et ces acquis fondamentaux que nous souhaitons tous défendre, pour se donner les moyens d’une sécurité qui atteigne ses objectifs sans porter préjudice à ce qui nous rassemble ni approfondir les lignes de fractures qui abîment notre société, nous vous demandons donc, Mme/Mr la/le député-e, / sénateur-e, de ne pas inscrire l’état d’urgence dans le quotidien des Français pour ne pas qu’un jour ils ne se rendent compte, trop tard, que d’essentielles libertés auront été sacrifiées. Nous vous invitons donc à voter contre la prorogation de l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre 2017 ainsi que contre le projet de loi anti-terrorisme, tel qu’il est présenté.
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