Le 14 septembre aura lieu l’université d’été du Medef d’Alsace. Consacrée au courage, elle réuni des intervenants pour le moins surprenants.
« Le courage ? Nous ne pouvons jamais être sûrs d’en être capable, tant il mobilise des forces dont nous n’avons pas toujours conscience. Face au pessimisme ambiant que traverse notre société, qui sont les courageux d’aujourd’hui ? Qui sont ces héros de l’ombre ou de la lumière, ces résistants de la fatalité qui refusent la morosité et osent se lancer ? Certaines personnes semblent regorger de courage pour affronter des situations qui nous anéantiraient personnellement. Et que dire de ceux qui se placent volontairement dans des situations dangereuses ? Sont-ils fous ou sont-ils courageux ? »
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C’est par ces mots qu’Olivier Klotz, le président de la branche alsacienne du Medef entame l’édito de leur 5e université d’été, consacrée au « Courage ». Alors qui sont ces courageux ? Sans tenir compte des « courageux-ses » sportif-ve-s, patrons et autres médecins venus dispenser la bonne parole libérale à un parterre d’invité-e-s parmi lesquels des étudiant-e-s de l’Ecole de Management, des patrons et probablement des élu-e-s, le Medef Alsace a choisi de donner la parole à quelques personnalités se distinguant particulièrement par leur courage.
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Un cas isolé parmi les « courageux » intervenant-e-s ? Encore une fois, non, car le Medef enfonce le clou proposant, lors du Grand entretien, une rencontre avec Eric Zemmour. Présenté comme « grand reporter » avec des positions qui ont « régulièrement créé la polémique », comme « polémiste réputé » qui a « le courage de ses opinions » [5]. Zemmour est en fait surtout connu pour des prises de positions ouvertement racistes dans les médias en assimilant l’immigration et l’islam à la délinquance ce qui lui a valu une condamnation avec confirmation en appel en novembre 2016 [6].
L’auteur du Suicide français est aussi tristement célèbre pour ses propos très contestés sur la France de Vichy, affirmant que le régime de Pétain et Laval aurait sauvé des Juifs. Cette thèse, qui est pourtant battu en brèche depuis longtemps par les historiens, a permis de raviver les positions d’extrême-droite sur le sujet et donne du grain à moudre à la fachosphère. Faudra-t-il, comme l’a déjà fait l’historien Robert Paxton dès 1972 [7], rappeler que les lois antisémites ont été instaurées par le régime de Vichy bien avant les débuts officiels de la collaboration ? Faudra-t-il rappeler que la rafle du Vel d’Hiv menée par la police française en 1942 a été décidée par le régime de Vichy en toute autonomie ? Ou bien encore la mise en place du STO, destinée à faire participer la population à l’effort de guerre allemand ?
Le Medef alsacien pourra toujours invoquer la pluralité des opinions au sein d’un débat mais il y a des choix idéologiques qui ne sont pas neutres dans une société où l’extrême-droite peut se targuer d’arriver au second tour de l’élection présidentielle, où les inégalités et les discriminations sont de nature systémique, où les contrôles d’identité au faciès sont la norme, où les immigré.e.s et leurs descendant-e-s mais aussi les femmes sont très nettement touché-e-s par le chômage, la précarité et les bas salaires [8], où s’affirmer comme gay, lesbienne ou trans est encore un risque pour sa carrière. Alors que le Medef et le gouvernement ont déjà commencé à mettre en œuvre une casse sociale de grande ampleur à travers la loi Travail 2 XXL par ordonnance, il est plus que jamais nécessaire de réaffirmer des valeurs de solidarité face à cette attaque supplémentaire contre nos droits !
Aussi, offrir une tribune à des intervenants si controversés occupant des positions de pouvoir dans leurs sphères respectives relève d’un choix très réactionnaire dont il aurait été possible de faire l’économie, surtout lorsqu’il s’agit d’évoquer la « courageuse » exploitation des travailleur-ses.
Toutefois, le plus curieux est le soutien apporté à cet événement par l’Université de Strasbourg (dont le logo figure sur le site de l’université d’été), pourtant médaillée de la Résistance et qui n’hésite pas à célébrer ce glorieux passé lorsque cela lui chante. C’est encore une fois, la laïcité qui est aussi à nouveau bafouée par l’UDS.
Faut-il y voir une énième preuve de « courage » ?
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