Qu’est-ce que l’alt-right ? (Stéphane François)
17 Août 2017 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Extrême-droite, #Amériques, #États-Unis
Le grand public a découvert la « droite alternative » (« Alternative Right » ou « alt-right ») lors de l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Loin d’être une création médiatique, il s’agit d’une idéologie au sens propre du terme : cette mouvance n’est pas de « droite », mais d’extrême droite, à tendance suprémaciste blanche. Analyse par Stéphane François, membre de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation, de cette mouvance qui pourrait radicaliser la droite avec constance.
Le grand public a découvert la « droite alternative » (« Alternative Right » ou « alt-right ») lors de l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Cette mouvance n’est pas de « droite », mais d’extrême droite, à tendance suprémaciste blanche. Elle est également ancienne, ses premiers théoriciens ayant commencé à produire dès les années 1960. Elle est enfin internationale : dès la fin des années 1960, elle a noué des liens avec l’extrême droite européenne, notamment française. Jeffrey Kaplan et Leonard Weinberg l’ont qualifiée au début des années 2000 d’extrême droite « euro-américaine ».
L’expression « Alternative-right » a été forgée en 2008 par l’universitaire paléoconservateur (en opposition au néoconservatisme) Paul Gottfried pour définir cette extrême droite euro-américaine. Ultralibéral, inégalitaire, condamnant le multiculturalisme, ancien conseiller de Richard Nixon et de Pat Buchanan, Gottfried entretient des liens avec l’extrême droite tant européenne qu’américaine. Ainsi, il est le correspondant américain de Nouvelle École, la revue savante de la Nouvelle droite d’Alain de Benoist, et a été le mentor de l’une des figures de l’alt-right, le suprémaciste blanc Richard Spencer (l’auteur du « Hail Trump"). Figure ambiguë, Gottfried a permis le renouvellement théorique, depuis plus de vingt ans, de l’extrême droite savante américaine. Il est aussi lu et commenté en Europe, notamment dans les cercles de la Nouvelle droite.
Cette expression recouvre plus une mouvance, plutôt qu’un mouvement structuré, d’auteurs et de groupuscules, aux discours parfois contradictoires, professant un discours anti-métissage parfois raciste, parfois xénophobe, chez certains antisémite ou suprémaciste blanc ; mais elle ne peut pas être réduite à la nébuleuse néonazie, bien que certains de ses membres en fassent partie. Ses origines sont à chercher dans les années 1950, dans les milieux, dont certains universitaires, refusant l’émancipation des Afro-américains ou cherchant à montrer au travers d’études pseudo-scientifiques l’infériorité intellectuelle de ces derniers. L’un de précurseurs de cette mouvance, et aujourd’hui réédité par elle, fut l’Américain suprémaciste blanc et théoricien raciste Lothrop Stoddard (1883-1950), qui influença les nazis. Parmi les pionniers de ces années, nous pouvons citer des universitaires comme Raymond Cattell, Arthur Jensen, Donald Swan, Wesley George, Roger Pearson, fondateur de la Northern League qui fut un repaire d’anciens nazis dans les années 1950. Ces milieux faisaient de la préservation de l’identité blanche des États-Unis leur cheval de bataille. Ils sont toujours présents dans l’Université américaine aujourd’hui, avec par exemple le psychologue évolutionniste racialiste et antisémite Kevin MacDonald, ou le pédagogue Roger Griffin.
Parmi les précurseurs de l’alt-right, nous avons l’universitaire d’origine britannique Roger Pearson, fondateur en 1957 de la Ligue nordique (Northern League), réseau de théoriciens néonazis. Il fut également le fondateur, en 1972, du Journal of Indo-European Studies, ainsi que de l’Institut pour l’étude de l’homme (Institute for the Study of Man). Le Journal of Indo-European Studies est devenu dans les années qui suivirent une revue universitaire de référence dans le domaine des études indo-européennes, à laquelle ont participé des indo-européanistes de grande renommée. Anticommuniste, il fut responsable de la World Anti-Communist League, cette dernière structure recyclant d’anciens nazis, tel le SS Otto Skorzeny (le SS à la tête du commando qui libéra Benito Mussolini en 1943), ou des fascistes comme Horia Sima (membre de la Garde de Fer roumaine). Lors de son éviction de la World Anti-Communist League, il fonda le Journal of Social, Political and Economic Studies, qui prit la relève de la revue de la ligue anticommuniste, The Journal of American Affairs. Des auteurs connus pour leurs positions négationnistes et racistes, comme Wayne Hutton et Kerry Bolton, y participèrent. Pearson fut une référence pour différents groupes néo-nazis et suprémacistes blancs de par le monde qui reprirent ses thèses.
Il existe en effet aux États-Unis une longue tradition d’universitaires d’extrême droite, racistes, racialistes et/ou antisémites qui défendent ouvertement leurs positions, ce qui est difficilement compréhensible pour un Français. Ces chercheurs ont élaboré des spéculations anthropologico-raciales, qui fusionnèrent dans les années 1980 avec les thèses « paléoconservatrices » sur la préservation de l’identité blanche des États-Unis. Ainsi, le très Sudiste Samuel Francis (1974-2005), universitaire et « paléoconservateur », estimait que la culture et la civilisation occidentales étaient génétiquement indissociables de la race blanche et des peuples européens, donc qu’elles n’étaient pas transmissibles, en leur fond, à d’autres races, quels que fussent les phénomènes d’acculturation. La fusion entre les thèses « paléoconservatrices » et celles du « racisme universitaire » donnera naissance à la fin des années 1970 à une « droite » – en fait une extrême droite – qui se dit indifféremment « racialiste » ou « nationaliste blanche » (« White Nationalist »), et dont l’un des représentants est le théoricien raciste Jared Taylor.
Cette extrême droite est également d’un genre nouveau, car elle consulte les productions intellectuelles élaborées par l’extrême droite européenne, ce qui est rare, les Américains ne lisant que peu ce qui n’est pas écrit en anglais. Ces militants entretiennent en effet des liens assez forts avec l’extrême droite européenne dans leurs tendances nationalistes-révolutionnaires, identitaires et néo-droitières. Ils développent un discours racial identitaire, cherchant à défendre l’identité blanche partout où elle se trouve, et promouvant une solidarité ethnique, avec parfois des positions « socialisantes ».
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