La Nakba : un crime observé, ignoré mais pas oublié (Ilan Pappe)
15 Mai 2017 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Palestine
La ténacité des Palestiniens est comparable à celle des oliviers séculaires qui, en Palestine, parviennent à refaire surface parmi les pins européens
Le 15 mai est généralement un déclic pour un voyage dans le temps. Et pour une raison incompréhensible, chacun de ces voyages rappelle un aspect différent de la Nakba. Cette année, je suis plus que tout préoccupé par l'apathie et l'indifférence perpétuelle de l'élite politique et des médias occidentaux face au sort des Palestiniens. Même l'horreur du camp de Yarmouk n'a pas établi dans l'esprit des hommes politiques et des journalistes la possible connexion entre porter secours aux réfugiés qui s'y trouvent et faire valoir leur droit internationalement reconnu de rentrer dans leur patrie.
Le traitement médical offert par les Israéliens aux islamistes en lutte contre le régime d'Assad pour les soigner et les renvoyer sur le champ de bataille est salué comme un acte humanitaire par l'Etat juif ; en revanche, son refus, exceptionnel par rapport à tous les autres pays voisins (beaucoup plus pauvres) de la Syrie, d'accepter le moindre réfugié du chaos syrien, est passé inaperçu.
C'est cet exceptionnalisme international et cet aveuglement volontaire qui me renvoient à 1948, dans la période de juin à octobre. Le 11 juin, une trêve a été annoncée par l'ONU entre les forces sionistes et les unités des armées arabes qui sont entrées en Palestine le 15 mai. La trêve était nécessaire pour les deux camps, qui devaient se réarmer ; elle a été bénéfique dans le camp juif mais pas dans le camp arabe, étant donné que la Grande-Bretagne et la France ont imposé un embargo sur les livraisons d'armes dans les pays arabes, tandis que l'Union soviétique et la Tchécoslovaquie ont réarmé les forces juives.
A la fin de cette trêve, il est clairement apparu que l'initiative panarabe pour sauver la Palestine était vouée à l'échec. La trêve a pour la première fois permis aux observateurs de l'ONU de voir de près la réalité sur le terrain suite au plan de paix proposé par l'organisation.
Ce qu'ils ont vu était un nettoyage ethnique à grande vitesse. A cette époque, la principale préoccupation du nouvel Etat israélien était d'exploiter la trêve pour accélérer la désarabisation de la Palestine. Ce processus a commencé dès la suspension des combats et mis en œuvre sous les yeux des observateurs des Nations unies.
Pendant cette deuxième semaine de juin, les zones urbaines palestiniennes étaient déjà perdues, et avec elles des centaines de villages entourant les principales villes. Des villes et des villages ont été vidés par les forces israéliennes. La population a été chassée, pour beaucoup bien avant l’entrée des unités arabes en Palestine, mais les maisons, les magasins, les écoles, les mosquées et les hôpitaux étaient toujours là. Les observateurs de l'ONU n'ont pas pu échapper au bruit des tracteurs rasant ces bâtiments et aplanissant ce paysage de campagne, maintenant que les bruits de tirs ne retentissaient plus autour d'eux.
Ce qu'ils ont entendu et vu a été adéquatement décrit comme une « opération de nettoyage » par la personne chargée par le nouveau régime contrôlant le territoire de superviser l'ensemble de l'opération, à savoir le chef de la division des colonies au Fonds national juif (FNJ), Yossef Weiz. Ce dernier a dûment signalé à sa direction : « Nous avons commencé l'opération de nettoyage en enlevant les décombres et en préparant les terres pour qu'elles soient cultivées et colonisées. Certains de ces [villages] deviendront des parcs. » Il a fièrement griffonné dans son journal quelques lignes évoquant son étonnement quant à son impassibilité à la vue des tracteurs détruisant les villages.
Cette opération n'a été ni facile ni courte. Elle a continué lorsque les combats ont repris pendant dix jours à la fin de la première trêve, puis lors d'une deuxième trêve et ensuite pendant les dernières étapes de la guerre, quand les troupes venant d'Irak, de Syrie et d'Egypte, touchées et vaincues, ont battu en retraite et sont rentrées. La « guerre » de l'automne 1948 a été prolongée parce que les villageois palestiniens, les volontaires du Liban et des unités de l'armée arabe ont essayé en vain de défendre des villages arabes isolés dans le nord et le sud de la Palestine.
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La Nakba : un crime observé, ignoré mais pas oublié
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