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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

« L’hypothèse d’un crime de haine ne doit être écartée qu’après une enquête poussée » (Jérome Martin)

20 Janvier 2017 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Islamophobie

À Armentières, deux femmes portant le voile ont été renversées par un chauffard dans des circonstances qui permettent d’envisager un crime de haine. La police a refusé d’enregistrer leur plainte. Que reste-t-il de cette affaire ? Caroline Fourest et ses approximations. Encore. Toujours.

Imaginons. Deux hommes traversent la rue sur un passage clouté. Ils se tiennent la main. Ils sont prudents et ne s’engagent sur la chaussée que lorsque la voiture qui arrive ralentit pour leur laisser le passage. Mais soudain, alors même qu’ils commençaient à traverser la voie, le véhicule accélère, les renverse et l’un des deux hommes est trainé sur plusieurs mètres. L’automobiliste s’enfuit, il ne porte pas secours aux deux personnes. Le couple n’est que légèrement blessé, mais aurait pu l’être très gravement. Choqués, les deux hommes vont au commissariat où on refuse de prendre leur plainte. Les victimes appellent une association de lutte contre l’homophobie, qui prend contact avec la police pour obtenir que la plainte soit enregistrée, et communique sur la possibilité d’une agression homophobe.

À ce stade, la motivation haineuse du conducteur ou de la conductrice est une hypothèse certes, mais une hypothèse vraisemblable qui ne peut être écartée sans une enquête minutieuse. Le simple fait de se tenir par la main lorsqu’on est deux hommes ou deux femmes a déjà suscité des agressions documentées. Mais l’homophobie se situe aussi à un autre niveau : dans le refus d’enregistrer la plainte déposée par le couple.

Imaginons encore l’article d’un journal local sur l’accident. Dès les premières lignes, l’auteur balaie l’hypothèse d’un revers de main, estime qu’il ne s’agit pas d’une agression homophobe et nous apprend que l’automobiliste a été convoqué-e par la police et relâché-e, que c’est une personne âgé-e qui a perdu le contrôle de son véhicule et qu’il ou elle « n’a pas le profil d’un homophobe ». La piste du crime de haine serait alors écartée.

Des éditorialistes réactionnaires s’emparent de l’affaire, des groupes homophobes aussi. Les réactions se multiplient, ironisant sur l’association de lutte contre l’homophobie : « regardez, c’est bien la preuve que cette organisation surestime les chiffres, depuis le temps qu’on vous dit que l’homophobie n’existe pas, oui, il y a des agressions contre les homosexuel-les, mais ce n’est pas un système, l’homophobie est un mot inventé par des intégristes LGBT de San Francisco dans les années 70 pour briser la liberté d’expression et nous empêcher de défendre la famille, et à force de voir des agressions homophobes là où il n’y en a pas, cette association amènera des gens à en provoquer des réelles, et ce sera un vrai massacre, d’ailleurs, la tuerie d’Orlando, c’est un peu à cause de cette association. »

Jusqu’à présent, ma fiction est parfaitement vraisemblable. Elle témoigne d’une homophobie structurelle qui traverse les médias et les institutions comme la police, et qui est nourrie par des éditorialistes et des organisations. Il est tout aussi vraisemblable que l’association de lutte contre l’homophobie et les victimes trouvent du soutien dans la société civile, auprès d’éditorialistes, d’autres journaux. Ce soutien, il y a 15 ans, ne se serait pas exprimé. Mais les luttes ont payé, le rapport de force a un peu changé, et tout le monde n’est plus enclin à minorer la possibilité d’une motivation haineuse. C’est là que ma fiction s’éloigne de la réalité.

Car ces événements ont bien eu lieu, mais ils ont concerné des femmes qui portaient le voile, et non deux hommes qui se tiennent par la main.

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