Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Nouvelle laïcité ou nouveau racisme ?

19 Décembre 2016 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Laïcité, #Islamophobie, #Europe, #Belgique

La « laïcité », un mot qui n’existe qu’en français, un vocable ambigu selon Henri Goldman, qui nous explique la différence entre le contenu qu’on peut lui donner en Belgique francophone et en France et comment cette laïcité après avoir joué un rôle d’apaisement pendant un siècle, est récupérée aujourd’hui, notamment par l’extrême-droite française, mais pas seulement, pour servir une politique aux relents racistes.

Il faut d’abord lever quelques malentendus autour du mot « laïcité ». D’abord, ce mot n’existe qu’en français. Dans le monde anglo-saxon, on parlera de « secularism » pour désigner la séparation des Églises et de l’État (laïcité de l’État) ou de « secularisation » pour désigner la fin du monopole religieux dans la définition des normes collectives du comportement social. En néerlandais, ce sera aussi « secularisme » même si certains essaient d’introduire « laïciteit » comme calque du mot français, mais la sauce ne prend pas. De fait, tous les débats autour de la laïcité n’existent qu’en français et au sein des sociétés qui s’expriment dans cette langue. En dehors de la Turquie et du Mexique, la France est d’ailleurs le seul État à se définir comme un État laïque. C’est dire à quel point ce vocable a une diffusion géographique limitée.

A LA BELGE

En Belgique non plus, la « laïcité politique » n’a aucune validation législative ou constitutionnelle. Ici, résultat de longues batailles pour réduire l’influence de la cléricature catholique, c’est le terme de « neutralité » qui s’est imposé. Et pourtant, comme plusieurs travaux l’ont bien montré (Mehmet Saygin, Jean-Philippe Schreiber), la Belgique – au même titre que la grande majorité des États démocratiques – est bien un « État laïque » : la religion n’a plus d’influence sur la conduite de l’État (« secularism »), expression d’une société pluraliste où plus aucun dogme religieux ne définit les normes collectives (« secularisation »).

Pourtant, en Belgique francophone, on parle à tort et à travers de « laïcité ». Mais ici, elle désigne une « laïcité philosophique », concept bizarre qui désigne les non-croyants. Dans un État pluraliste, personne ne conteste le droit des athées et des agnostiques de s’associer et de revendiquer les mêmes avantages que ceux qui seraient consentis aux diverses communautés religieuses. Mais on aurait pu se passer de l’utilisation de l’adjectif « laïque » qui vient tout embrouiller. Cette confusion n’existe pas du côté flamand, où la « laïcité philosophique » se nomme « vrijzinnigheid » (libre pensée) et où l’équivalent du Centre d’action laïque est l’Humanistisch Verbond. Il n’y a donc qu’en Belgique francophone que, quand quelqu’un vous dit « Je suis laïque », il faut entendre « Je ne suis pas croyant-e ». Comme chez les Juifs, où on est soit croyant soit laïque. Alors qu’au sens politique – le seul qui vaille –, la laïcité est un bien commun que peuvent parfaitement partager des croyants et des incroyants, et c’est d’ailleurs le cas.

Cette confusion des termes rend encore plus déplacées les diverses propositions qui visent à inscrire la « laïcité » dans notre appareil législatif ou constitutionnel. À cause de cette ambiguïté, de nombreux citoyens croyants et parfaitement démocrates identifieront cette « laïcité » dans son double sens, dont aussi comme un manœuvre antireligieuse. Cette confusion est d’ailleurs en train de saboter l’excellente initiative de l’EPC (cours d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté) qui est organisé dans l’enseignement public à partir de cette année à la place d’une partie des cours de religion ou de morale, parce qu’elle est souvent perçue comme une manœuvre de la « laïcité philosophique » hostile aux religions, notamment par les familles musulmanes qui, pour des raisons honorables, tiennent à ce que leur religion reste enseignée correctement à l’école officielle.

A LA FRANÇAISE

Lire la suite

Partager cet article

Commenter cet article