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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Ce pire qui nous inspire (Alain Brossat)

14 Août 2016 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Libertés, #Police Justice

Publié le 11 août 2016 sur le site "Entre les lignes, entre les mots"

L’UJFP signale en particulier à ses lecteurs cet article remarquable d’Alain Brossat, qui donne à réfléchir sur ce que nous vivons, et aère l’esprit encombré de toutes les logorrhées débilitantes actuelles...
Il soumet une analyse fouillée de la convergence soulignée et souhaitée entre l’état d’urgence permanent (installé en Israël depuis...1950 !) et de celui qui se développe en France. Il analyse aussi ce que révèle cette convergence volontaire : la construction d’une forme singulière de "démocratie" occidentale.

Un basculement décisif est en train de se produire subrepticement dans la politique conduite par nos gouvernants. Cette bifurcation se produit au point de jonction de la politique intérieure et extérieure. Elle présente également la caractéristique de ne porter la marque d’aucun parti de gouvernement en particulier – elle est l’œuvre des socialistes et de leurs alliés pour la simple raison que ce sont ceux-ci qui sont actuellement aux affaires, comme elle pourrait l’être aussi bien de leurs concurrents ; on a pu en relever les prémisses sous Sarkozy déjà, et ce mouvement se poursuivra au delà des péripéties de l’élection présidentielle à venir, quelle qu’en soit l’issue.

Ce tournant consiste en ceci : pour ceux qui nous gouvernent (notion à entendre dans son sens extensif, incluant les médias, entre autres), l’État d’Israël cesse d’être en premier lieu cette dite « démocratie » passablement interlope mais à laquelle il n’est pas pour autant question de ménager son soutien – fût-ce, en plus d’une occasion, en se pinçant le nez. Israël, de partenaire stratégique nécessaire, tend à devenir, dans le contexte de la guerre à outrance livrée à l’islamisme, un modèle stratégique en tant qu’État de sécurité avancé. Cette inflexion, dont on imagine aisément toutes les promesses qu’elle recèle pour nous en général et, en particulier pour les populations d’origine coloniale dans notre pays, est devenue tout à fait explicite après l’attentat du 14 juillet à Nice : dès le surlendemain, on pouvait entendre un haut gradé militaire israélien expliquer sur les ondes de France Inter, à une heure de forte écoute, comment cet attentat aurait pu être évité si l’on avait su s’inspirer des techniques sécuritaires rodées de longue date dans la lutte contre le terrorisme… palestinien ; et de proposer d’un ton protecteur l’assistance de l’État hébreu à la France, le terrorisme islamiste étant un et indivisible, et les Palestiniens en lutte contre l’occupation de leurs territoires de la même eau que Daech [1]… Quelques jours plus tard, c’est un autre « expert », politique, celui-ci qui, dans les colonnes de Le Monde, mettait en perspective historique, pour en fin de compte les justifier par la nécessaire construction d’un État de sécurité, les massives atteintes aux droits de l’homme perpétrés par l’État sioniste au détriment des Palestiniens : « Alors qu’Israël est en général jugé et condamné pour la domination qu’il exerce sur les Palestiniens des territoires occupés, voilà que, du fait de la vague terroriste qui submerge le monde, on se penche aujourd’hui sur la lutte anti-terroriste menée par Israël et sur la vigilance publique qui contribue, elle aussi, à relever le défi » [2].

Ces petits coups de pouce médiatiques destinés à vanter le savoir-faire israélien en matière de lutte contre le terrorisme arabo-musulman ne sont que la musique d’accompagnement de choix politiques au long cours opérés par les gouvernants de ce pays.

Désormais, quand Manuel Valls proclame à l’occasion du dîner du CRIF (depuis longtemps réduit au statut d’officine propagandiste de l’Etat d’Israël en France) que l’antisionisme est une variété d’antisémitisme, il ne s’agit plus d’une simple et traditionnelle action de lobbying idéologique en faveur de cet Etat dont la doctrine fondamentale est que la force créé la loi [3]. Il s’agit bien désormais de frayer la voie à la notion d’une exemplarité pour nous, en France (et dans tous les pays menacés par le terrorisme islamiste) des doctrines et dispositifs sécuritaires et répressifs expérimentés par les autorités politiques et militaires israéliennes au détriment des Palestiniens – depuis les origines de l’Etat sioniste et en particulier depuis la première Intifada. [4]. Il s’agit bien désormais de donner à entendre à l’opinion publique française (et internationale) que « nous » avons un problème avec l’activisme arabo-musulman comme Israël en a un. Et qu’en conséquence, dans l’esprit comme en pratique, les méthodes israéliennes sont bien fondées, désormais, à nous inspirer.

Le premier article de foi de cette doctrine nouvelle est l’énoncé qui, depuis les attentats de 2015, s’est transmis de bouche en bouche parmi nos dirigeants et leurs supplétifs médiatiques et intellectuels : nous sommes en guerre. Cet énoncé est à la base de ce qui, depuis la fondation de l’Etat d’Israël, est destiné à justifier la coexistence d’une sorte d’Etat de droit (dont bénéficie la population d’origine juive) et de dispositifs d’exception et de ségrégation s’appliquant aux Palestiniens. Ces dispositifs ont évolué au fil du temps et la conquête de nouveaux territoires, au fil des guerres gagnées contre les Etats arabes ; l’existence des territoires occupés et le développement sans relâche de la colonisation juive de ces territoires les a établis désormais au cœur de l’Etat de sécurité israélien.

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