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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

L’honneur et la considération. Le procès intenté à la Feuille de chou (Éric Fassin)

1 Juin 2016 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Antiracisme politique, #Roms migrants, #Étrangers et immigrés

L’honneur et la considération. Le procès intenté à la Feuille de chou (Éric Fassin)
À Strasbourg, La Feuille de chou est poursuivie pour « des propos portant atteinte à l’honneur et à la considération » du chef de la mission Rom : ce média en ligne a en effet dénoncé la politique de la municipalité à l’égard des Roms. Procès pour diffamation le 2 juin au TGI : qui s’en soucie ? En France, aujourd’hui, la presse indépendante est-elle encore libre de dire la vérité au pouvoir ?

Charlie, c’est fini. La Feuille de chou, « presse quotidienne radicale au capital illimité d’indignation », fait actuellement l’objet de poursuites pour « des propos portant atteinte à l’honneur et à la considération de Jean-Claude Bournez », chef de la mission Rom de la Ville de Strasbourg. Or à la conférence de presse organisée par son comité de soutien lundi 30 mai, à l’occasion de ma venue dans la ville pour une conférence en solidarité, aucun média – local ou national – n’était représenté : l’affaire n’en vaudrait-elle pas la peine ? Pourtant, c’est bien à cause de deux articles publiés par ce média en ligne que le directeur de la publication, Jean-Claude Meyer, sera jugé par le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg jeudi 2 juin 2016.

Diffamation

La plainte vise en particulier les phrases qui soulignent le rôle du plaignant. Dans le premier article, « Noël à Strasbourg : le chef de la mission Rom de la ville demande l’expulsion d’une dizaine d’enfants dont deux nourrissons » (12 décembre 2014), outre le titre, plusieurs passages sont mis en cause : « Cet après-midi, le chef de la mission Rom de la Ville de Strasbourg a demandé à 3 familles pauvres vivant en caravane sur un terrain vague isolé de quitter les lieux sur le champ, sans explication ». Mais aussi : « Cette année, nouveauté : c’est la Ville elle-même, par l’intermédiaire du chef de la mission Rom, qui jette des familles avec enfants et bébés à la rue !!! » Enfin : « Encore une fois, après des menaces et intimidations répétées suivies d’une décision totalement arbitraire de la part du chef de la mission Rom, la Ville va laisser, en plein hiver, des hommes, des femmes et des enfants en situation de grande pauvreté » (la fin de la phrase n’est pas reprise dans la plainte : « et n’ayant nulle part où aller, dans le plus grand désarroi alors qu’au même moment, des millions d’euros sont dépensés pour le marché de Noël et le millénaire de la Cathédrale ! », non plus que la suivante : « Drôles de socialistes qui pratiquent la chasse aux pauvres toute l’année ! »).

Quant au second article, « Une femme avec neuf enfants laissée à la rue par la ville de Strasbourg » (19 décembre 2014), il se contente d’évoquer la réponse municipale à la découverte, par ces journalistes indépendants, d’une famille rom isolée sur un terrain vague dans une minuscule caravane : « Plutôt que de trouver une solution humaine à cette situation invraisemblable, ordre avait été donné à cette famille, par le chef de la mission Rom de Strasbourg, de quitter les lieux au plus vite. » Il n’est pas inutile de citer intégralement ces propos pour mieux mesurer ce qui peut valoir des poursuites aujourd’hui. Par comparaison, cette phrase du premier article n’est pas mentionnée dans la plainte : « Dans cette vidéo, les hommes témoignent de l’injustice de la situation, précisant que la police qui connaît leur difficile situation ne leur a jamais demandé de partir, et que cette décision venait exclusivement du chef de la mission Rom de la Ville, Jean-Claude Bournez. » Faut-il en conclure que ces témoignages n’ont rien de diffamatoire ?

Dans de tels procès pour diffamation, qui touchent, avec la loi du 29 juillet 1881, à la liberté de la presse, deux objections peuvent être soulevées par la défense : d’une part, l’exception de vérité (les faits sont-ils réellement contestables ?) ; d’autre part, l’exception de bonne foi (le but poursuivi n’est-il pas légitime, comme c’est le cas dans une controverse politique, et peut-on vraiment parler d’une intention de nuire à la personne ? l’auteur des articles ne s’est-il pas employé à vérifier ses sources, et n’a-t-il pas fait preuve de mesure ?). Gageons que les arguments ne manqueront pas à l’avocat de la défense, d’autant qu’il pourra s’appuyer sur d’autres articles qui vont dans le même sens, parus entre décembre 2014 et juin 2015, sur Rue89 Strasbourg et dans les Dernières nouvelles d’Alsace. Toutefois, sans entrer dans la logique judiciaire, et donc sans prétendre se substituer au tribunal pour trancher sur la vérité des faits ou la bonne foi des journalistes, on voudrait soulever ici deux points d’ordre politique.

Le personnel est politique

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