Amnesty International France, EuroMed Droits, la FIDH, Human Rights Watch et la LDH dénoncent la recrudescence de la répression contre les défenseurs des droits humains en Egypte et le risque de disparition du mouvement des droits humains indépendant dans un futur proche, si la communauté internationale ne se mobilise pas fortement.
Le 20 avril, trois défenseurs des droits humains de premier plan ont été convoqués au tribunal dans le cadre de l’enquête sur les financements en provenance de l’étranger des ONG, initiée en 2011 : ils risquent le gel de leurs avoirs, ainsi que ceux de leur organisation. SI 11 personnes sont aujourd’hui nommément poursuivies, l’enquête porte sur 35 ONG et le nombre de poursuites et de fermetures pourrait s’accroitre dans les prochains jours et semaines.
Cette nouvelle détérioration intervient au lendemain de la visite officielle du président français.
Certes, le président de la République française, lors de la conférence de presse conjointe avec son homologue égyptien, s’est exprimé publiquement sur « l’importance des droits de l’homme et de l’État de droit ».
Cependant, au-delà des mots, nous ne disposons d’aucune information sur le fait que l’engagement de la France aux côtés du régime égyptien ait été conditionné à des améliorations concrètes en matière de respect des droits humains.
Depuis 2013, alors que des violations massives des droits humains sont commises par les autorités et forces de sécurités égyptiennes, les ventes françaises d’équipements pouvant servir à la répression interne n’ont jamais cessé, tandis que les deux pays ont poursuivi le renforcement de leur « partenariat stratégique »
Pourtant, des véhicules blindés Sherpa vendus par la France[1] ont été directement utilisés par les forces de sécurité égyptiennes pour réprimer dans un bain de sang le rassemblement du 13 août 2013 organisé par les sympathisants du président déchu Mohammed Morsi, répression qui a fait plusieurs centaines de victimes.
Contrairement à ses obligations internationales, et aux conclusions du Conseil des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne du 21 août 2013, la France a ainsi continué ses ventes d’équipements alors que les forces de sécurité égyptiennes dispersaient par la violence et au moyen d’une force meurtrière injustifiée les sit-ins et autres manifestations.
Les autorités françaises ne doivent pas se limiter à souligner l’importance des droits humains. Elles doivent se démarquer de cette répression et condamner publiquement les poursuites dont sont victimes les ONG de défense des droits humains, comme l’ont fait de manière claire ces dernières semaines le secrétaire général des Nations unies, le Haut-commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, les autorités américaines, allemandes et néerlandaises. Il en va de la crédibilité de la France quant à son soutien réel aux défenseurs des droits humains égyptiens, et à leurs organisations qui doivent pouvoir remplir leur mission en toute liberté.
Nous demandons également à la France d’apporter des précisions publiques sur la mise en œuvre des conclusions du Conseil des affaires étrangères de l’UE du 21 août 2013, aux termes desquelles les Etats membres décidaient « de suspendre les licences d’exportation vers l’Egypte de tous les équipements qui pourraient être utilisés à des fins de répression interne, de réévaluer les licences d’exportation des équipements couverts par la position commune 2008/944/PESC et de réexaminer l’assistance qu’ils apportent à l’Egypte dans le domaine de la sécurité. » .
Les autorités françaises sont tenues d’examiner toutes les demandes de transferts d’armes vers l’Egypte en tenant compte de l’existence d’un risque substantiel de voir se poursuivre les violations graves des droits humains. A moins que des éléments fiables ne démontrent une réforme en profondeur des forces de sécurité égyptiennes, les transferts doivent être suspendus.
Nous demandons enfin que tout « renforcement du partenariat stratégique » entre les deux pays soit assorti d’engagements clairs des autorités égyptiennes en faveur du respect des droits humains.
22/04/2016
[1] Selon les données connues à ce jour via les déclarations de la France au Registre des Nations unies sur les armes classiques, la France a délivré à l’Egypte 18 véhicules Sherpa en 2012, 96 en 2013. Ces véhicules sont des Sherpa light scout et des Sherpa light station wagon. 77 « véhicules tactiques » ont été livrés en 2014, sans qu’aucune précision sur leur dénomination exacte n’ait été fournie. Les véhicules Sherpa sont produits par Renault Trucks Defense. La France a également livré des véhicules de maintien de l’ordre MIDS produits par le même industriel à l’Egypte.
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