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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Informer, c'est résister : Zaman France poursuit le combat

11 Mars 2016 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Proche et Moyen-Orient, #Turquie

Et le coup de massue est tombé. Le plus grand quotidien de Turquie, Zaman, a été confisqué par le régime d'Erdogan. Officiellement, «placé sous tutelle par la justice turque». Mais dans un pays où le président de la République donne ouvertement des leçons de droit aux tribunaux et se vante d'ignorer les décisions de la Cour constitutionnelle, il n'est pas besoin de faire «comme si» et d'ajouter le pathétique au tragique. Le juge de paix est aux ordres et les administrateurs sont au diapason.

Harcelé déjà depuis deux ans, le journal a été finalement saisi, vendredi 4 mars, lors d'un véritable hold-up. Erdogan aura donc l'honneur de bousculer tous les putschistes de l'histoire turque pour figurer en tête de liste dans les livres. En effet, même aux temps les plus sombres de la République, les médias n'avaient jamais été à ce point humiliés. Le raïs s'est coiffé d'une nouvelle casquette, rédacteur en chef national de la presse turque. Les journalistes sont licenciés, les lignes éditoriales remaniées, les photos du numéro un épinglées sur toutes les Unes.

Et si, par malheur, celui-ci réussit à imposer le régime présidentiel, l'homme fort deviendra au choix, «autocrate», «dictateur», «despote» ou «sultan». On ne prend même plus la peine de saisir les nuances. Sous le regard mi-indifférent, mi-désespéré des Turcs, le règne d'Erdogan n'est plus qu'une balafre sur la joue de l'histoire turque.

Et pourtant, ce serait une erreur de penser ou de croire que le «maître de son palais» défera la presse libre. Les journalistes turcs, comme l'a démontré et le démontre chaque jour la rédaction authentique de Zaman, sont ce roseau qui peut plier mais qui ne rompt jamais. Confrontés à la puissance d'un Etat et de tous ses leviers, les hommes et les femmes de Zaman ont montré qu'ils étaient pleins de ressources.

Réactifs, déterminés à préserver ce qu'il reste de la liberté d'informer, pleinement engagés à faire paraître Zaman, sous d'autres noms mais avec le même visage, ces journalistes sont en train de donner une leçon magistrale d'éthique à l'ensemble de leurs compatriotes et en premier lieu, au délinquant en chef qui les gouverne.

Autrement dit, si l'histoire se souviendra qu'un homme a pris le pouvoir au nom d'une Constitution turque qu'il s'est employé ensuite à bafouer, elle retiendra surtout que des hommes et des femmes, des journalistes, des citoyens turcs se seront battus pour que la lumière de l'espoir démocratique ne s'éteigne pas et survive à la longue nuit politique du règne d'Erdogan.

En ce qui nous concerne, les journalistes de Zaman France, nous ne sommes pas frappés par cette confiscation. Depuis deux ans, nous sommes déjà victimes d'intimidations, les annonceurs publicitaires sont sagement incités à rompre leur contrat, l'ambassade et le consulat turcs refusent de nous accréditer à leurs organisations alors que Zaman France est la seule publication capable d'être la voix des Franco-turcs.

Nous avons déjà perdu la moitié de notre tirage et 70% de nos revenus mais tout cela n'a pas empêché la visibilité de notre hebdomadaire et notre site d'information. Zaman France reste, non seulement, une source d'informations indispensable sur la Turquie, mais également une voix originale sur des sujets qui sont au coeur de l'actualité française : la diversité, l'immigration et l'Islam.

Jusqu'à aujourd'hui, plus de 100 journalistes de touts horizons ont travaillé au sein de notre rédaction, plus de 70 chroniqueurs appartenant à divers courants d’opinion ont contribué à notre journal. Nous vous assurons donc que nous remplirons jusqu'au bout notre devoir de résistance.

Malgré l'effondrement de tous nos moyens -nous avons perdu toutes les ressources de photos et de contenus après la confiscation- et malgré la situation difficile que nous affrontons, nous poursuivrons le combat et appelons tous les journalistes, les citoyens, les démocrates, à la solidarité et au soutien. Pour être non seulement du bon côté de l'Histoire mais également pour continuer à avoir accès à une information objective et sauver, ainsi, l'honneur de notre métier et affermir notre marque de fabrique. 

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