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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Eric Fassin: «La déchéance de François Hollande»

26 Décembre 2015 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Libertés, #Racisme, #Droit de la nationalité, #"Gauche" décomplexée

Constitutionnaliser la déchéance de nationalité n’est pas seulement un crime; c’est une faute. Du moins la stratégie présidentielle peut-elle nous aider à sortir du piège du « front républicain ». Comment croire que c’est l’extrême droitisation des gouvernants socialistes qui nous sauvera du Front national ? À gauche, il est grand temps de former un front démocratique contre la dérive du régime.

« Une personne née française qui détient une autre nationalité peut être déchue de la nationalité française lorsqu’elle est condamnée pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation. » Constitutionnaliser pareille mesure n’est pas seulement un crime ; c’est aussi une faute.

Tout le monde s’accorde à le dire, elle est inutile : ceux qui, au nom de l’État islamique, sont prêts à se donner la mort pour faire la guerre à la France, n’en seront pas dissuadés par la crainte de perdre leur passeport. La menace risque plutôt de provoquer leur fou rire. Mais qu’importe l’efficacité ! Pour Ségolène Royal, numéro 2 du gouvernement, « avec des arguments comme ça, on ne fait plus rien… »

Une mesure symbolique

Le juriste Olivier Duhamel en convient, « elle est certes de très peu d'utilité. Mais il y a de nombreuses dispositions symboliques dans une Constitution. Nous n'allons pas supprimer la référence à la “fraternité” sous prétexte qu'elle a une portée surtout symbolique. » L’humour involontaire de cet argument tient au fait que la mesure vise à distinguer deux catégories de Français en associant symboliquement le terrorisme à l’origine : n’est-ce pas, précisément, le contraire de la fraternité ? La mesure est purement symbolique ; mais elle le devient « hautement », selon Manuel Valls ; ne sera-t-elle pas gravée, comme l’urgence, « dans le marbre de la Constitution » ?

Sans pousser le raisonnement à l’absurde comme ce constitutionnaliste (« aujourd'hui, le Français de naissance ne peut pas être déchu de sa nationalité, mais celui qui est devenu français peut l'être. De ce point de vue, le projet du gouvernement va vers plus d'égalité »), on trouvera toujours des conseillers d’État pour juger que, « en élargissant aux personnes nées françaises la sanction de la déchéance déjà autorisée par le code civil pour les personnes devenues françaises par acquisition, la disposition envisagée ne crée pas non plus une rupture d’égalité entre ces deux catégories de personnes ».

Pourtant, en 2010, quand Nicolas Sarkozy promettait à Grenoble la déchéance de nationalité pour les Français naturalisés coupables de crimes majeurs, le même Olivier Duhamel lançait un appel sur Mediapart, au nom des droits de l’homme, soulignant que « cette sélection entre Français selon l’origine fut celle du régime raciste de Vichy. »Pour ma part, je comptais alors parmi les signataires d’un autre appel aux côtés (notamment) de… François Hollande, Manuel Valls et Christiane Taubira : « pour la première fois au plus haut de niveau de l’État, il aura été publiquement affirmé qu’il existe des “Français de souche” et des “Français de papier”, comme le clame le Front National depuis sa création et au risque de crédibiliser ce dernier. »

À l’époque, beaucoup songeaient évidemment aux dénaturalisations massives de Vichy. D’ailleurs, l’UMP avait fini par reculer. Or cette mémoire est d’autant plus pertinente que le successeur de Nicolas Sarkozy s’en prend aux Français de naissance, soit une manière d’opposer les binationaux aux « Français de souche », selon l’expression de François Hollande devant le CRIF le 23 février 2015. Sans doute nous explique-t-on que c’est pour « couper l’herbe sous le pied du Front national ». Toutefois, aujourd’hui, devant l’enthousiasme exprimé par Marine Le Pen, il est permis d’en douter : la présidente du parti d’extrême droite célèbre sur Twitter « le premier effet des 6,8 millions de voix pour le Front national aux élections régionales », tandis que son vice-président Florian Philippot enfonce le clou en estimant que le gouvernement « se “marinise” un peu. »

La stratégie du Titanic

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