Sexisme / Racisme (Sonia Moussaoui)
أعوذ بلّله السميع العليم من الشيطان الرجيم
بسم الّله الرّحمآن الرّحيم
ربّ ٱشرح لى صدر ي و يسرلى أمرى و ٱحلل عقدةً من لسانى يفقهوا قولى
« Mon Éducateur, dilate ma poitrine, facilite ma propre décision et dénoue un
nœud de ma langue pour qu’on pénètre mon propos [et/ou] afin qu’elles-ils
discernent mon propos.» Coran Sourate 20, versets 25 à 28.
Hommage
Cet écrit est un hommage aux femmes qui m’ont sauvée de l’aliénation, du meurtre et du suicide. Un hommage à celles oubliées, niées et inexistantes de l’Histoire. Ce qui aurait pu être mon cas si je n’avais osé prendre ce micro pour crier ma colère. A celles qui m’ont transmis la force de ne pas oublier ma classe et ma race. A celles qui m’ont trouvée belle, intelligente et courageuse. A celles qui font battre mon cœur et l’irriguent du souffle de l’espoir. A l’instar de Karima, Shyaka et Meriem à qui je remets, ici même, le prix d’honneur de grandes révolutionnaires de notre époque. Merci pour votre exemplarité, vos forces et vos combats.
De toute évidence je n’aurais jamais pu vous rencontrer/connaître/fréquenter ni même entendre parler de vous tant les conséquences du racisme et de l’impérialisme auraient pu vous/nous tuer dans l’anonymat le plus abject et passer sous silence et jeter aux oubliettes l’impardonnable souffrance de nos parents, sœurs, frères et ami-es. A l’instar de milliers et de milliers de femmes particulièrement les racisées. Mais vous avez choisi la Vie, l’amour tout en participant à la transmission, à l’instar de nos ascendantes de nos peuples dont nous sommes indélébilement les héritières, du sens du combat et la fierté de nos héritages. Alors permettez-moi de vous honorer dans cette table ronde comme autant de symboles de nos Re-connaissances et de nos célébrations mutuelles.
Eh oui Shyaka je n’oublierai jamais cette parole que tu as prononcée un jour, souviens-toi, lorsque dans la même semaine l’institution du nom « protection de l’enfance » qui n’a de protection de l’enfance que le nom, t’a interdit par deux fois consécutives la visite de ta petite fille. Alors que j’étais effondrée, tu m’as fixée et dit : « Sonia, si le système a décidé de me détruire, moi j’ai choisi de ne pas participer à mon auto-destruction ». Alors oui, célébrons-nous à l’intérieur de cette maxime tout en nous excitant de ces célébrations. Continuons à nous Re-créer, Re-définir tout en inventant un système social dépatriarcal/décolonial/déracialisant/désimpérial/démilitarisant/désoccidentalocentrique.
Alors avec fierté, colère et profonde tristesse je demande à ce que l’on célèbre collectivement une minute de silence pour toutes les femmes tuées et/ou violées par les bombes, les troupes, les groupuscules de l’impérialisme. Je voudrais ici porter collectivement une minute de silence pour Wafa, Naïma, Sabrina, Nessrine, Rajia, Khadija, Bassma, Houria mes sœurs, mes amies algériennes tuées par l’impérialisme des années 90.
Qu’elles me pardonnent du plus profond de mes tripes de ne pas les avoir célébrées publiquement jusqu’à ce jour. Qu’elles sachent que mon cœur ne peut ni les oublier ni cesser de pleurer leur absence tragique. Qu’elles sachent que leur sang rebelle et maquisard n’est que souillure éternelle dans le cœur des assassins. Qu'elles sachent que leur sang rebelle et maquisard coulé à terre est célébré par chacun de mes pas foulés, humectant mon cœur de leur présence au présent de l’instant. Qu’elles reçoivent ici ma parole que leur histoire sera tracée, criée, hurlée, chantée et célébrée. Qu’Allah m’accorde le temps de le faire avant d’emporter mon souffle, amin. Et quand bien même mon souffle éteint, sachez que chacun de mes pas foulés est semence de graines immanquablement insolentes. Des graines qui s’enracinent dans les tréfonds de la Terre. Des graines aux feuillages persistants, piquants, pulvérisant les cœurs. Des graines dont les gènes ne sont pas modifiables. Indéniablement, récitants nos mémoires, nos histoires de luttes et de fiertés.
De la nécessité de se déconnecter de l’aliénation sexiste pour construire notre organisation militante décoloniale.
« Le succès ou l'échec d'une révolution peut toujours se mesurer au
degré selon lequel le statut de la femme s'en est trouvé rapidement
modifié dans une direction progressive. » Angela Davis
Je suis désolée que deux de nos participantes n'aient pas pu venir et qu'elles soient toutes deux remplacées par des hommes. Déjà que nous ne sommes pas nombreuses à intervenir, mais alors deux femmes en moins ne nous aide pas à rendre visibles non seulement nos pensées mais nos implications politiques et militantes dans toutes les questions sociales, économiques, géopolitiques, environnementales et scientifiques. Mais je suis heureuse, ce qui ne veut pas dire satisfaite, qu'enfin la question du sexisme articulée au racisme intègre notre programme politique.
Mais vous pensez bien qu'une intervention de 15 minutes ne peut que soulever l'existence d'un fléau complexe sans pour autant en décrypter ses mécanismes et ses conséquences dramatiques et criminelles que subissent les femmes racisées et de façon plus générale les personnes assignées au sexe féminin. Et encore moins faire des propositions en termes d'expériences sociales qui ont abouti à de véritables projets d'émancipation tant pour les femmes que pour les hommes. Par ailleurs, j'ai pendant un moment hésité à intervenir pour deux raisons[1] : premièrement, comment en présence de blancs-blanches parler de sexisme aussi librement que les femmes blanches sachant que les hommes racisés sont non seulement diabolisés, taxés de misogynes par essence et tués dans une indifférence institutionnelle et sociale éhontée ? Et, comment, dans ce même contexte, parler de sexisme articulé au racisme sans que les hommes racisés se sentent disculpés et innocentés de leurs violences ?
Cela est loin d'être évident. D'où me semble-t-il l'importance pour nous de travailler cette question dans un entre soi entre racisées-racisés dans un premier temps[2] Car comme le dit si bien Annie Ernaux[3] écrire est une conscience de soi dans le texte. Il est question de nommer la place que j'occupe en tant que narratrice : de quel côté je suis finalement, celui des dominées-dominés ou celui des dominantes-dominants.
La seconde raison qui m'a fait hésiter est mon implication active dans l'organisation de cette 5ème rencontre nationale. J’ai organisé nombre d'événements militants particulièrement en soutien à la résistance palestinienne mais aussi grand c'est mon premier. Et je peux vous dire qu'en tant que femme racisée, pauvre[4], indépendante économiquement pour mon autonomie politique et radicalement anticapitaliste, décoloniale et dépatriarcale dans ma façon de penser, de m'habiller, de respirer, de boire, de prier bref tout mon soi politique du réveil au coucher, exigeait de moi sans cesse d'inventer des modes d'organisation et de négociation alternativement irrévocables qui m'ont davantage isolée et précarisée tant socialement qu'économiquement et ce, même de la part des personnes de ma race -pour la plupart des hommes- et de ceux/ celles de classe supérieure à la mienne.
Normal ! Ce que je propose est une remise en question radicale des privilèges sexistes et classistes. Et celles ceux que je défends sont les gens de ma classe et de ma race : les dominées-dominés, les laissées-laissés pour compte, les pauvres. Bref, les gens qui composent mon quotidien et avec lesquelles-lesquels je me construis, redéfinis et rêve. Car nous ne sommes pas nées-nés pour survivre comme le dit Audre Lorde[5] . Mais pour Vivre ! Alors c'est ce que j'ai choisi de faire, vivre tout en résistant avec endurance. J'ai compris cela alors que j'étais ado. Après une seconde tentative de suicide qui aurait dû sans conteste me tuer tant ce que j'avais pris aurait pu tuer un éléphant, j'ai compris que ce n'était pas mon heure et qu’il me serait impardonnable d’annihiler le cœur de mes parents.
[1] Au passage, je tiens à remercier infiniment les encouragements acharnés et enragés de ma camarade et alliée politique mO de ne laisser ni ma place à une autre personne ni d'abandonner.
[2] L’entre-soi auquel je fais référence ici est double. En premier lieu, il consiste pour nous les racisées (femmes, hétéros, gouines, trans...) de classe pauvre à créer des espaces de paroles politiques pour sortir de l’isolement matérialo/économico/social par le travail à la fois rigoureux et discursif consistant à nommer les multiples mécanismes de ce qui fait oppression en Nous. Condition qui nous condamne à des dépendances non consenties, et donc violentes à l’égard des hommes et/ou des femmes blanches.
L’objectif de ces espaces est non seulement de penser mais aussi de créer des systèmes de solidarités politiques répondant à l’impératif de nos autonomisations. Un préalable fondamental pour sortir de nos conditions de sujétion et s’affranchir des dépendances qui nous dominent et donc nous oppriment et infériorisent.
En second lieu, ce qui représente une tâche difficile et même un fardeau pour nous, mais qui reste une question que nous ne pouvons négliger si nous voulons construire une organisation politique militante écrasante déracialisante, décoloniale et désimpériale c'est de travailler l’oppression sexiste avec les hommes de nos peuples. Il ne s’agit pas de leur demander l’autorisation mais de les mettre au pied de leurs responsabilités à savoir changer là où nous décidons que les changements doivent s’opérer. Sans quoi ils auront à faire à notre colère non soupçonnée à la fois immuable et inébranlable.
[3] Annie Ernaux, Je ne voulais pas trahir. Article dans la revue Politis, 10 novembre 2010
[4] Être pauvre n’est pas un choix existentiel mais un choix politique consistant au refus de vendre maforce physique et/ou intellectuelle pour maintenir et développer un système impérialiste assassin. En revanche, cette pauvreté économico-matérielle, qui a aussi ses conséquences sociales, est une force créatrice d'autres systèmes de solidarité socio-économiques. Elle est celle qui permet, lorsqu'elle est politisée, de ne pas se faire prendre dans le filet du « repli communautariste » conséquence des inégalités sociales. Mais bien au contraire, je dirai qu'elle favorise la rencontres avec les marges et les marginalisé-es de différentes identités politiques et permet donc le développement d'une conscience de classe qui est au croisement d'une multiplicité de formes d'oppressions.
[5] Audre Lorde, Dans un film retraçant son engagement des années 1984 à 1992. The Berlin years 1984 to 1992
« Dire que les personnes racisées sont obsédées par la race,
c'est comme dire à quelqu'un qu'il est obsédé par la nage pendant
qu'il est en train de se noyer» Hari Kondabolu
Je vais commencer mon propos par une petite introduction théorique très condensée, voire même maladroite car les mécanismes des dominations sont très complexes et pernicieux. J’ai rédigé ce témoignage durant les courts moments dont je disposais après avoir terminé toute l’organisation logistique de cette rencontre.
J’interviens en tant que militante politique. Et, c’est à partir de mon activité militante que j’ai développé les connaissances et les intelligences que je vais partager avec vous. Lorsque je dis que j’interviens en tant que militante politique cela ne signifie pas que mon propos ne relève pas de raisonnements intellectualisés, bien au contraire. Mais force est de constater que chaque fois qu’on présente des intervenants-es, on les identifie soit comme des intellectuel-les soit comme des témoignants-es. Moi-même j’ai souvent utilisé cette distinction.
Mais voilà, je me dédomine avec jubilation de certaines lexicopathologies dominantes et méprisantes.
Et, implicitement, cela revient à dire que le propos de l’intervenant-e identifié-e comme intellectuel-le a plus de valeur que celui de l’intervenant-e identifié-e comme témoignant-e. Et ajouter également au passage que ce sont davantage les interventions des femmes qui sont présentées comme relevant d’un témoignage (sic).
Alors ce que j’aimerais faire ici c’est Re-valoriser le témoignage des femmes comme autant d’intelligences, de connaissances, de savoir-faire, de forces que la majorité des hommes -qu’ils soient blancs ou racisés-, et nombre de féministes blanches a fortiori académiques minimisent, invisibilisent, nient ou pire encore méprisent.
Quelle importance pour la lutte déracialisante, décoloniale, désoccidentalo-centrique et désimpériale de prendre en considération et ce de manière primordiale, sérieuse et majestueuse la lutte dépatriarcale ?
Lorsque je parle de lutte déracialisante, décoloniale, désoccidentalo-centrique et désimpériale, je parle ici du travail de transformation de nos perceptions du monde et de nous dans ce monde. C’est-à-dire que le travail déracialisant, décolonial, désimpérial et dépatriarcal ne consisterait plus uniquement à décrire, révéler et dénoncer les mécanismes de discrimination et les distorsions du système capitaliste mais ce travail proposerait des perspectives en termes d’expériences sociales abouties, ou en cours d’aboutissement ou en état d’élaboration.
Boaventura de Sousa Santos[1] nous dit que ce travail consiste à « construire et défendre des identités et des épistémologies fortes avec des métarécits solides, ce qui est nécessaire dans le processus de reconstruction et de décolonisation ». En somme, ce travail de décolonisation des esprits a pour principe sine qua non de se dédominer de la rationalité du Nord, c’est-à-dire occidentalo-centrique, qui a eu / et qui a encore une influence énorme sur toutes nos manières de penser, sur nos sciences et nos conceptions de la vie et du monde.
Il m’a fallu quelques années pour prendre conscience de cette domination mentale. Il m’a fallu venir vivre ici en France et vivre l’expérience sociale d’une sous-humaine ou appartenant à la zone de non être comme le dit Frantz Fanon[2] pour intégrer dans mon dictionnaire le mot racisme. Et je vous jure qu’avant 1993 je ne connaissais même pas ce mot, la seule oppression que connaissait ma chair étant celle de la domination masculine que je nomme aujourd’hui sexisme ou patriarcat. Et cette domination sexiste a pour base des justifications idéologiques et des ressources matérialo-économico-sociale favorisant les hommes au détriment des femmes. C’est ce que l’on pourrait nommer des privilèges sexistes.
Si le racisme, selon Fanon, repose sur une hiérarchie de supériorité et d’infériorité située sur la ligne séparant l’humain du non humain, le sexisme également repose sur une hiérarchie de supériorité et d’infériorité sur le critère de sexe pour les blanches et les racisées et sur la ligne de l’humain et non humain pour les racisées. Autrement dit, pour les sujets racisés c’est-à-dire nous Africaines, musulmanes, Indiennes... en tant qu’assignées au sexe féminin et à la race inférieure, nous subissons une double, triple oppression ou comme le dit Saïd Bouamama[3] nous subissons des discriminations multifactorielles c’est-à-dire sexisme/racisme/classisme… les femmes racisées pauvres étant celles qui subissent au plus haut niveau et ce dans toutes les zones d’existence de leur vie les discriminations multifactorielles tant dans la zone d’être (avec les hommes blancs) que dans la zone de non être (avec les hommes de leur race sociale).
[1] Lire le texte de Ramon Grosfoguel, Un dialogue décolonial sur les savoirs critiques entre Frantz Fanonet Boaventura de Sousa Santos. Disponible sur http://www.arquitecturadelastransferencias.net/images/p-grosfogel/Grosfoguel-on-Fanon-and-Santos.pdf
[2] Frantz Fanon, in Peau noire et masques blancs, 1952. Lire aussi, Les damnés de la terre, 1961
[3] Les discriminations multifactorielles, genre/« race »/classe. Repères pour comprendre et agir, Saïd Bouamama, Jessy Cormont et Yvon Fotia, Paris, Acsé, juin 2010. .
Pour donner une définition du sexisme, je prends toujours pour parallèle le racisme parce que le sexisme est un racisme dès lors que l’idéologie se base sur des critères biologiques et/ou mentaux et/ou culturels pour inférioriser et discriminer les personnes assignées au sexe féminin.
Concernant le racisme, Ramon Grosfoguel nous dit, dans la zone de l’être (celle des blanc-hes) les sujets étant racialisés en tant que sujets supérieurs, ils ne vivent pas l’oppression raciste mais le privilège raciste. Et dans la zone de non être, les sujets racialisés en tant que sujets inférieurs, c’est-à-dire nous, nous vivons l’oppression raciste et non le privilège raciste. Concernant le sexisme, dans la zone de l’être les blanches (qu’elles soient hétéro, lesbiennes, gouines ou trans) étant racialisées en tant que sujets supérieurs vivent l’oppression sexiste et le privilège raciste. Dans la zone de non être les personnes racialisées en tant que sujets inférieurs (que nous soyons hétéro, lesbiennes, gouines ou trans) vivons et l’oppression raciste et l’oppression sexiste.
Dans ces conditions le sexisme que nous vivons, nous les racialisées, prend des formes diverses en termes d’oppressions que ne subissent pas les blanches. Cette clarification théorique permet de comprendre pourquoi la lutte des femmes racisées ne peut être similaire à la lutte des femmes blanches. Plus que ça. Non seulement elle ne peut être similaire mais très souvent elle est en profond désaccord à la fois théorique, méthodologique et pratico-pratique. Je prendrais un exemple parmi de nombreux autres. J’ai souvent entendu des femmes blanches dire, du reste à juste titre, que la maîtrise de leur fécondité est l'une des voies d’émancipation contre l’oppression patriarcale. Ce qui est source de désaccord profond entre elles et nous, ce n’est pas tant l’idée en elle-même que sa prétention à son universalisme. Vouloir l’imposer à toutes les femmes, et ce dans le monde entier, c’est nier, pour ne citer que cet exemple, les stratégies anticoloniales des femmes qui choisissent sciemment d’avoir des enfants dans des contextes de colonisation. Pour les femmes palestiniennes, avoir des enfants, est un acte de résistance pour perpétuer leur identité et leur histoire.
Et il n’y a pas même besoin d’aller dans les pays impérialisés pour le comprendre. Prenons le cas des femmes pauvres, isolées et précarisées socialement et économiquement, ici en France, pour qui est souvent « criminalisé » le fait d’avoir des enfants pour obtenir des allocs ou autres droits sociaux.
Vouloir universaliser cette forme d’émancipation est un leurre et une hypocrisie classiste et raciste. Une hypocrisie classiste car seules les femmes des classes moyennes ou riches peuvent avoir la possibilité de choisir si elles veulent ou non des enfants. D'autant que si elles choisissent d’en avoir, elles ont les moyens de subvenir à leurs besoins tout en maintenant un certain nombre de leurs activités. Ce qui est différent des femmes pauvres, a fortiori, les racisées, de par l’oppression raciste.
« Face au sexisme pas un seul pas en arrière.»
Il est temps que vous, les hommes racisés, compreniez que le sexisme rend bien service à l’oppresseur et à l’impérialisme puisque nombre de guerres sont justifiées au nom de la libération des femmes contre votre prétendue misogynie.
Quoi de mieux pour l'impérialisme de nous laisser la tâche de nous diviser en nous faisant du mal entre nous. Si vous n’agissez pas, nous n’arriverons jamais à organiser notre lutte de manière écrasante. Vous n’êtes pas des macho au sens occidental du terme celui qui dit implicitement aux femmes : tu sais tu n’es qu’une femme, voulant dire par là tu es défectueuse.
Selon Gloria Anzaldùa[1] chicana du Mexique, être macho à l’exemple de son père, de mon père, voulait dire être assez fort pour nous protéger et nous soutenir financièrement ma mère et nous, tout en étant capable de montrer de l’amour. Le macho d’aujourd’hui nous dit-elle a des doutes sur sa capacité à nourrir et à protéger sa famille. Son machisme est une adaptation à l’oppression, à la pauvreté et à la faible estime de soi. Les blancs-blanches se sentant inadéquat-es, inférieur-es et sans pouvoir, déplacent ou transfèrent ces sentiments sur les racisées-racisés en déplaçant la honte sur nous. Et les hommes racisés en face des blancs-blanches souffrent à la fois d’une amnésie raciale qui ignore notre sang commun, et de culpabilité, parce que la patrie occidentalo-centrique en eux a pris leur terre et les a opprimés. La perte d’un sens de dignité et de respect chez les hommes racisés donne naissance à un faux machisme ou virilisme qui les conduit à rabaisser les femmes et même à les brutaliser.
Je terminerai d'ailleurs avec un passage du texte de Gloria Anzaldùa qui résume magnifiquement bien le message que j’ai envie de transmettre aux femmes et hommes de ma race sociale : Bien que nous «comprenions» les causes profondes de la haine et de la peur masculine, et les blessures infligées de ce fait aux femmes, nous ne les excusons pas, nous ne fermons pas nos yeux et nous les supporterons plus. Nous exigeons de la part des hommes de notre peuple qu’ils admettent/ reconnaissent/ divulguent/ témoignent qu’ils nousblessent, qu’ils nous font violence, qu’ils ont peur de nous et de notre pouvoir. Nous avons besoin qu’ils disent qu’ils vont commencer à renoncer à leurs manières blessantes et dégradantes. Mais plus que des mots, nous exigeons des actes. Nous leur disons : nous développerons un pouvoir égal au vôtre et au pouvoir de ceux qui nous ont fait ressentir la honte.
Tant que la femme racisée est dégradée, l’Arabe, la Noire, la musulmane, l’Indienne en nous toutes et en nous tous sont dégradées.
Vous aurez compris je l’espère que la lutte déracialisante/ décoloniale/désimpériale/désoccidentalocentrique est avant tout une lutte dépatriarcale. Cette lutte consiste à nous redéfinir à l’intérieur d’autres valeurs respectant notre humanité, nos mémoires, nos histoires comme autant de chirurgies réparatrices.
Quant aux camarades et amiEs blanches j’ai envie de leur citer Audre Lorde[2], « Je m’exprime sans mâcher mes mots lors d’une conférence universitaire, et une femme blanche me dit : Racontez-moi ce que vous ressentez mais ne le dites pas trop durement sinon je ne peux pas trop vous écouter. Mais est-ce ma façon de m’exprimer qui l’empêche de m’entendre, ou la menace d’un message qui l’appelle à changer sa vie ?». Pour ma part, j’ajouterai, la réponse des femmes au racisme signifie qu’elle répondent à la colère; colère de l’exclusion, des privilèges immuables, des préjugés racistes, du silence, des mauvais traitements, des stéréotypes, des stigmatisations, des réactions défensives, des injures, de la trahison, du maternalisme, de l’infantilisation, du compassionnel et de la récupération.
Alors ma colère et la peur qu’elle fait naître en vous seront des projecteurs... Qu'ils vous aident à grandir, de la même manière que j’ai appris à exprimer ma colère, pour ma propre croissance. Comme chirurgie réparatrice, et non pas pour culpabiliser. La culpabilité et les réactions défensives sont les briques d’un mur contre lequel nous butons toutes; elles ne conviennent à aucun de nos futurs. □
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Cinquièmes rencontres nationales des luttes des immigrations Saint-Étienne 18 et 19 avril 2015 Interventions Débats Document réalisé de façon militante par des sympathisants du FUIQP Ce dossi...
http://www.reperes-antiracistes.org/5emes-rencontres-nationales-des-luttes-des-immigrations.html
Compte-rendu intégral (pdf). Transcription YM et AV
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