Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

La Courneuve: pourquoi expulser le bidonville rom ? (Éric Fassin)

17 Août 2015 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Roms migrants, #Informations militantes

On s’apprête à expulser le Samaritain, un bidonville rom de 300 personnes installé à la Courneuve depuis sept ans. Pourtant, cette fois, des associations ont obtenu un engagement financier pour assainir le lieu et le viabiliser. Mais améliorer les choses, ce serait avouer qu’il existe une alternative à l’expulsion. Si l’État s’abrite derrière les élus locaux pour expulser, on aurait tort de prendre une telle municipalisation pour argent comptant : l’expulsion est la clé de cette politique décentralisée du ministère de l’Intérieur.

C’est l’été : on expulse des Roms ; on détruit leurs bidonvilles. C’est ce qu’on appelle, dans le jargon journalistique, un marronnier. Pendant l’été 2010, sous Nicolas Sarkozy, on s’indignait encore, à gauche et à Bruxelles, qu’on traite ainsi des Roumains et des Bulgares : ne sont-ils pas devenus Européens ? Dès l’été 2012, on comprenait que cette politique n’allait pas changer sous François Hollande ; elle devenait « normale » ; on n’entend plus l’Union européenne. Qui se soucie encore que Manuel Valls soit poursuivi en justice par l’association la Voix des Rroms pour incitation à la haine raciale ? Et d’ailleurs, qui le sait, quand les médias n’en disent rien ? Les pouvoirs publics peuvent expulser en toute quiétude. Le 21 juillet, c’était la Folie, à Bobigny ; après le 15 août, ce sera le Samaritain, à la Courneuve. Et combien d’autres encore, dont on ne parle même pas ?

Sans doute objectera-t-on que l’État ne fait qu’appliquer les décisions de justice. Mais pourquoi cette belle exigence républicaine ne va-t-elle pas jusqu’à faire respecter la loi, et à la respecter, lorsque des bidonvilles prennent feu (il n’y a jamais d’enquête), ou que des Roms sont agressés (nul n’est jamais condamné), quand des municipalités refusent d’assurer la collecte des déchets, ou qu’elles empêchent l’inscription d’enfants roms à l’école (l’État n’engage jamais de poursuites) ? Pourquoi la circulaire du 26 août 2012 n’est-elle pas respectée par les pouvoirs publics, qu’il s’agisse d’offrir des solutions de relogement, ou (le Défenseur des Droits l’a souligné) d’attendre les décisions de justice avant d’expulser ?

C’est qu’il y a urgence, nous explique-t-on : l’hygiène y serait intolérable. Certes – et depuis longtemps. C’est donc pour leur bien, paraît-il, qu’on chasse et pourchasse les Roms. Et qu’importe si l’on ignore ce qu’il advient d’eux, une fois jetés sur les routes ; et qu’importe si, à force d’être expulsés, leurs conditions de vie ne cessent de se dégrader. Le 7 juin, la mort d’une enfant de cinq ans dans les Yvelines, et le lendemain d’un autre de quatre ans, près de Lille, loin de faire prendre conscience des effets d’expulsions à répétition, servait à les justifier : décidément, ces bidonvilles sont bien dangereux !

Article complet :

Partager cet article

Commenter cet article