Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

La sale guerre de la France au Cameroun

13 Août 2019 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Colonisation, #Afrique

Des dizaines, peut-être des centaines de milliers de morts : c’est le bilan de la guerre française contemporaine la moins connue. Menée au Cameroun à la fin des années 1950 pour empêcher l’Indépendance, elle se poursuivra ensuite pour éradiquer toute idée politique divergente.

De notre envoyé spécial au Cameroun.– Une soirée de juin 2019 dans une villa sur les collines de Yaoundé : une diplomate du gouvernement de Paul Biya et un militant des droits humains devisent poliment. Comme ils ne partagent pas grand-chose politiquement, ils évitent les sujets qui fâchent. Au détour de la conversation, ils découvrent néanmoins qu’ils proviennent de la même région et qu’ils ont tous deux effectué leurs études secondaires dans la ville de Bafoussam. Et qu’ils possèdent un souvenir en commun. En janvier 1971, l’une était en quatrième et l’autre en sixième, lorsqu’ils ont été tirés hors de leurs classes de cours avec tous leurs camarades pour se rendre au grand carrefour qui fait office de place centrale de la ville.

Là, ils rejoignent une foule de plusieurs centaines de personnes, dont tous les écoliers de Bafoussam. L’objet de cette sortie impromptue : assister à l’exécution publique d’Ernest Ouandié, leader indépendantiste camerounais devenu opposant armé au régime mis en place à l’Indépendance en 1960 et condamné à mort par un tribunal militaire quelques jours auparavant. Le souvenir de cette mise à mort est resté gravé dans les mémoires de la diplomate et du militant : « Quel régime oblige des enfants à assister à l’exécution d’un homme ? » se révoltent encore aujourd’hui les deux témoins forcés.

Ce n’est que des années plus tard que tous deux découvriront qui était Ernest Ouandié, instituteur devenu combattant politique, dirigeant de l’Union des populations du Cameroun (UPC), le parti phare de la lutte pour les indépendances africaines dans les années 1950 contre lequel la France déclencha une des plus sales guerres de son histoire : un conflit pour empêcher la décolonisation qui s’est ensuite transformé en éradication des voix révoltées contre un régime féal mis en place par Paris. Ironie du sort : Ernest Ouandié sera réhabilité 20 ans plus tard et proclamé « héros national » par les successeurs de ceux qui l’avaient tué…

La sale guerre du Cameroun fait partie des pans les moins connus de l’histoire de France contemporaine, malgré l’ouvrage pionnier et primordial Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique de Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa, paru en 2011. Non seulement cette guerre s’est avérée particulièrement cruelle et sanglante (les estimations vont de plusieurs dizaines de milliers de morts à plusieurs centaines de milliers), mais elle a été menée à rebours complet de l’histoire, d’abord par Paris pour empêcher le Cameroun d’accéder à l’indépendance, puis par les dirigeants camerounais (avec l’appui des Français) pour combattre ceux qui se rebellaient contre l’installation d’un régime fantoche et dictatorial.

Lire la suite

Partager cet article

Commenter cet article