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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Menton : des libertés prises avec le droit (Cimade)

7 Juin 2017 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Étrangers et immigrés, #Réfugiés et droit d'asile

7 juin 2017

La Cimade et d’autres associations ont déposé une requête en référé-liberté devant le tribunal administratif de Nice. Elle demande la fermeture d’un lieu illégal. Il est utilisé par la police pour enfermer les personnes migrantes, avant de les refouler en Italie. Marine De Haas, responsables des questions européennes, explique pourquoi.

Pourquoi la situation à la frontière franco-italienne vous alerte-t-elle ?

Depuis le 13 novembre 2015, les contrôles ont été rétablis à la frontière franco-italienne, en raison de l’état d’urgence, même si les passages étaient déjà filtrés depuis juin 2015. Mais ce sont surtout les migrants qui en font les frais : aux divers points de passage autorisés dans les gares et sur les routes, des personnes considérées « d’apparence migrante » sont systématiquement contrôlées, soit par les CRS, soit par la police aux frontières (PAF). Ces interpellations se sont notamment multipliées à la gare ferroviaire de Menton-Garavan. Les CRS refoulent vers l’Italie aussi bien des mineurs que des personnes majeures, soit en les remettant dans le train vers Vintimille en dehors de toute procédure, soit en demandant à l’Italie de les réadmettre immédiatement après leur avoir remis un document de non-admission. Ces réadmissions immédiates via le poste frontière de Menton Saint-Louis seraient au nombre de 100 à 150 par jour en moyenne.

Il y a là une véritable entorse à la loi qui prévoit que les personnes non-admises sur le territoire français doivent bénéficier d’un certain nombre de droits, dont celui d’un délai d’un jour franc et de recevoir une information sur le droit d’asile avant toute reconduite  de l’autre côté de la frontière.

Qu’est-ce qui justifie plus précisément cette action en justice ?

C’est en effet près du pont Saint-Louis que la situation n’est pas claire. Des témoignages encore récents révèlent que, dans les locaux de la PAF, des personnes sont retenues jusqu’à plusieurs heures ou même toute une nuit. C’est parfaitement illégal parce qu’il n’existe aucun texte permettant ce qui nous a été décrit par les policiers comme « une zone de rétention provisoire ». Cette zone d’attente, créée par le préfet des Alpes-Maritimes officieusement, constitue bel et bien un lieu de privation de liberté, puisque ces personnes retenues ne peuvent bénéficier des droits inhérents à leur situation.

C’est pourquoi La Cimade, en lien avec d’autres associations*, a décidé de déposer auprès du juge administratif une requête en référé-liberté. La loi prévoit qu’en cas de situation d’urgence (ce qui est bien le cas ici), le juge a 48 heures pour se prononcer sur ce référé.

À quoi attribuez-vous ces entorses à la loi ?

La police française ne peut refouler à la frontière ces personnes la nuit, soit parce qu’il n’y a plus de trains, soit parce que la police italienne ne réadmet pas entre 19 h et 7h. D’autres témoignages indiquent que des personnes sont également retenues au 1er étage de la gare de Menton-Garavan. Par ailleurs, des personnes migrantes arrivées par la vallée de La Roya, après avoir reçu une convocation officielle à Nice auprès de la préfecture pour déposer leur demande d’asile, ont été interpellées à Cannes, puis détenues à Menton avant d’être renvoyées en Italie.

Ces entraves aux libertés ne sont pas nouvelles, mais elles se sont amplifiées. Il y a bel et bien une volonté de bloquer l’arrivée sur le territoire français du plus grand nombre de migrants venus par l’Italie et en majorité originaires du Soudan, de l’Érythrée, de l’Afghanistan et du Tchad. Nombre de ces personnes souhaitent demander l’asile en France, même si la plupart d’entre elles ont été forcées de donner leurs empreintes à l’arrivée en Italie et seront probablement placées en procédure « Dublin ». Cependant, leur droit de déposer une demande d’asile en France reste entier et les pratiques de refoulements vers l’Italie empêchent les personnes en exil de l’exercer effectivement.

* Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers), Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s), SAF (Syndicat des avocats de France), ADDE (Avocats pour la défense des droits des étrangers)

 

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